Impressions d’une campagne

cyanographie

cartes postales

sérigraphie

revues

Broderie

Depuis mes études jusqu’en 2019, j’ai habité à Nantes ou dans l’agglomération nantaise. Il m’est alors arrivé plusieurs fois de traverser la campagne de Châteaubriant, en transit entre Nantes et Rennes, lorsque je voulais éviter la 4 voies. Je me disais alors que c’était une bien belle campagne, et que je n’aurais sans doute jamais le bonheur de l’habiter.

Et pourtant, je suis arrivée en juillet 2019, à Ruffigné, à 10km au nord-ouest de Châteaubriant. Depuis, comme n’importe qui emménageant dans un nouveau lieu, je découvre ses paysages et rencontre ses habitants. Peut-être que ce qui caractérise mes rencontres, que ce soit avec des personnes ou des paysages, c’est qu’elles m’impressionnent toujours beaucoup, et durablement. Rien de plus banal, pourtant, qu’un échange avec son voisin ou avec le maraîcher du marché. Rien de plus banal que de traverser la campagne pour rejoindre le supermarché voisin. Oui, mais sans doute qu’au cœur de cette banalité m’apparaît l’intimité, la nudité crue, qui m’éblouit. Alors je m’arrête et je pousse plus loin. Je prends les chemins qui, entre les départementales, relient les fermes entre elles, ou je requiers une rencontre plus approfondie, un entretien. Et puis je photographie, ou j’enregistre, pour garder trace de ces éblouissements que provoquent en moi ces rencontres pourtant anodines.

La campagne de Châteaubriant, comme beaucoup de campagnes, souffre de son éloignement en même temps que de sa proximité avec les métropoles de Rennes et de Nantes. Elle souffre aussi de la désindustrialisation, tout en restant enlisée dans le rêve éteint des trente glorieuses. Mais les ruraux qu’on oppose aux urbains sont pour moi comme les pauvres et les riches, les jeux queer et le modèle hétéronormatif, les monstres et les corps parfaits, le féminin et le masculin, les dominés et les dominants. Comme de nombreux ruraux, je vis une forme de précarité, économique, physique, mentale, géographique, de genre mais quand on habite la campagne, en prise avec toutes sortes de nécessités concrètes, on s’entraide. Et ce faisant, on recrée des modèles souples, plastiques, de société, comme autant d’univers se superposant, se croisant, s’entremêlant les uns les autres.

J’aime à rendre compte de ces superpositions d’éblouissements pleins de banalité, d’intimité et de nostalgie, aussi.
Et comme les rencontres s’impriment chez moi les unes sur les autres, j’imprime les mots et les images par-dessus d’autres mots et d’autres images, par citations et surimpressions. J’expérimente ainsi l’imprimante, le tampon, le transfert, la sérigraphie, la broderie, la photographie, le pochoir, la cyanographie. Mes supports sont le papier, mais surtout le papier-peint, qui, collé sur nos mur, voit se dérouler notre vie intime et quotidienne, et enfin le tissu, matériau si souvent en contact avec nos peaux.