UN BUREAU EN VILLE

Cadre du projet

Étude d'un territoire nantais, aux limites de la ville : la Prairie de Mauves.
Travail en cours.

Démarche

Cette prairie humide située sur la rive nord-est de la Loire est traversée par une route
que l'on n'est pas sensé emprunter, pour cause d'inondations.
Après avoir passé la déchèterie de Nantes et bravé les panneaux de dissuasion et de déviation, on croise :
• des dépôts sauvages d'ordures,
• une végétation riche (dont des des iris),
• de nombreux campements de gens du voyage,
• la voie de chemin de fer,
• des véhicules brulés (souvent),
• un grand dépôt de matériaux de travaux publics,
• un ferrailleur,
• des friches maraîchères,
• la maison d'une ancienne maraîchère qui a aujourd'hui 85 ans,
• le périphérique nantais (dessous).

Interroger la fabrique et le statut actuels des déchets,
synthètiques ou naturels; minéraux, végétaux, animaux ou humains; morts ou vivants.
Interroger le rôle de l'eau en général et de la Loire en particulier dans le transport et l'évacuation des déchets
et dans leur réintégration dans le cycle vivant.
Interroger comment le productivisme et l'hyper-consommation liés au néo-libéralisme,
finissent par tout traiter, y compris l'être humain,
au prisme de son utilité (productivité et/ou consommation).
Interroger comment la marge, le rebut et l'égoût servent autant à écarter ce qui est indésirable,
qu'à rassurer quant à la viabilité de nos sociétés.

Méthode et techniques

Rencontres et recueils de matériaux le long de la route.
Cartographie des lieux.
Recherches documentaires sur le statut dans l'histoire des gens du voyage, des roms et des personnes âgées,
sur le cycle des déchets, sur l'histoire des égoût, sur l'appropriation de l'eau et des fleuves.
Réalisation d'une revue / affiche.

Matières

Zygmunt Bauman / Le présent liquide / Seuil P43 « Le nombre d'individus rendus superflus par le triomphe mondial du capitalisme augmente irrésistiblement et en vient à dépasser les capacités de la planète : il paraît plausible que la modernité capitaliste (ou le capitalisme moderne) sera étouffée par ses propres déchets, qu'elle ne peut ni assimiler, ni anéantir, ni détoxifier (de nombreux signaux indiquent une hausse rapide de la toxicité des déchets qui s'accumulent). Alors que l'on se préoccupe depuis quelque temps déjà (mais sans prendre les mesures nécessaires) des conséquences sinitres des déchets industriels et domestiques en matière d'équilibre écologique et de la capacité autoreproductrice de la vie sur la planète, nous n'avons pas encore pris conscience des effets à long terme de la masse croissante du déchet humain sur l'équilibre politique et social de la coexistence humaine planétaire. Il en serait néanmoins grand temps. Dans une situation aussi neuve que la nôtre, ni l'examen de la liste des suspects habituels ni le recours aux méthodes traditionnelles ne permettra de comprendre ce qui se passe et qui affecte également, mais de différentes manières, tous les habitants de la planète. »

Zygmunt Bauman / Le présent liquide / Seuil P58 « Les murs, les barbelés, les portes surveillées et les gardes armés : voilà ce qui définit l'identité des réfugiés, ou plutôt ce qui anéantit leur droit à l'autodéfinition et à l'auto-affirmation. Tous les déchets, y compris le déchet humain, ont tendance à s'entasser indifféremment sur le même site. La mise au rebut supprime les différences, les individualités, les idiosyncrasies. Le déchet n'a pas besoin de ces distinctions et nuances subtiles, à moins d'être destiné au recyclage ; en membres légitimes et reconnus de la société humaine. Toutes les mesures ont été prises pour garantir la permanence de leur exclusion. Les êtres sans qualités sont abandonnés dans un territoire sans nom, alors qu'ont été définitivement barrées toutes les routes menant vers les lieux significatifs, vers ceux où pourrait être forgée une signification socialement lisible. »

Zygmunt Bauman / Le présent liquide / Seuil P91 « À l'origine, les « classes dangereuses » se composaient du surplus de population, temporairement exclu et pas encore réintégré, que le progrès économique accéléré avait privé de « fonction utile », tandis que la pulvérisation accélérée de réseaux de liens l'avait dépouillé de toute protection ; on espérait cependant qu'avec le temps ces individus seraient réintégrés, que leur animosité se dissiperait et qu'ils retrouveraient leur intérêt pour « l'ordre social ». Les nouvelles « classes dangereuses », en revanche, sont reconnues comme inaptes à la réintégration et déclarées inassimilables, puisqu'on ne peut imaginer pour elles aucune fonction utile à accomplir après la « réhabilitation ». Ces individus sont de trop, ils sont superflus. Ce sont des exclus permanents, offrant l'un des rares exemples de permanence que la modernité liquide non seulement autorise mais favorise activement. Au lieu d'être perçue comme le résultat d'une malchance momentanée et surmontable, l'exclusion apparaît aujourd'hui comme définitive. »